August 14, 2010

123 Jahre Rirette Maîtrejean

Nach Volin und Voyenne stehen an diesem 14. August gleich drei Geburtstage ins Haus. Da Pietro Gori (14.8.1865-8.1.1911) und der erst kürzlich verstorbene Colin Ward (14.8.1924-11.2.2010) bereits jeweil ein Post in diesem Blog gewidmet worden ist, möchte ich mich heute der Individualanarchistin Rirette Maîtrejean zuwenden, die am 14. August 1887 als Anna Henriette Estorges in Saint-Mexant, einem kleinen Dorf in der Corrèze, geboren wurde und am 14. Juni 1968 gestorben ist. Maîtrejean hat gleich in mehrerer Hinsicht eine Rolle in der anarchistischen Bewegung gespielt: als Redakteurin der Zeitung l'anarchie nach dem Tod von Albert Libertad, als Geliebte von Viktor Kibaltschin alias Victor Serge (das junge Paar ist auf dem Foto unten zu sehen; Maîtrejeans Erinnerungen an Victor Serge findet man hier), als eher unfreiwillige Komplizin der "Bande à Bonnot", schließlich als Weggefährtin von Albert Camus, den sie in die anarchistische Ideenwelt einführte (mehr zu Rirette Maîtrejean in diesem lesenswerten Artikel).

Mangels Texten von Rirette Maîtrejean selbst (außer den oben verlinkten Erinnerungen an Victor Serge steht mir nichts zur Verfügung), hier ein Artikel von Séverine zum Prozess der Bonnot-Bande, erschienen am 11. August 1912 in der Tageszeitung Le Gil-Blas:

"Rirette!

Un gentil nom, n'est-ce pas ? un nom qui semble d'autrefois, alors que les grisettes avaient encore des bonnets, que les moulins avaient  encore des ailes, et que c'étaient cependant les  bonnets qui s'envolaient par-dessus les moulins. Est-ce un nom, d'ailleurs, ou un surnom, née d'une belle humeur printanière, à cette clarté du visage qu'est le sourire ?
Je le croirais assez, car je ne la connais pas. Jamais le hasard ne me l'a fait rencontrer, pas  plus qu'aucun de ses proches. Je ne sais d'elle que ses portraits, des instantanés pris au hasard. Une  frimousse espiègle, des yeux vifs, l'air d'une gosse mais d'une gosse qui aurait Gavroche pour ancêtre, d'une gosse qui, après avoir bien joué, bien ri, aimé le soleil, bu du reginglard sous des tonnelles, soupiré des valses lentes, respiré pour quatre sous de violettes avec plus de ferveur que d'autres ne le font d'une rose d'un louis, saurait mourir en gaîté et en beauté, héroïquement.
Est-elle de Paris, ma payse? Vint-elle, petite bourgeoise évadée ou petite ouvrière aventureuse, du plus calme bourg d'une lointaine province? Je l'ignore absolument. Paris l'a prise, voilà tout ce que je sais. Il l'a façonnée à sa manière, lui a donné le piquant de ses filles, leur grâce alerte, ce bec qui semble rosé par les cerises de Montmorency ou les fraises de Robinson. C'est aussi le goût du mystère, du romanesque, de l'imprévu, du risque...
Trop, hélas, pauvre Rirette! Ai-je dit que Rirette était en prison? Elle a ri quand on l'a arrêtée; ri dans les couloirs du Palais, aux passants, aux reporters, aux photographes; ri à la lumière, à l'air libre, au grand jour. Je n'ai pas dit non plus que Rirette avait vingt-deux ans - et deux petites filles dont on la maintient séparée.
Cela seulement la rend grave, car cette gamine aime ses gamines, tendrement, passionnément. Et, cependant, elle se condamne elle-même à ne point les revoir, elle accepte d'être privée des petits bras autour du cou, des petites bouches sur la joue, des petits mots câlins qui sont comme des caresses, elle s'ampute de ses enfants, cette jeune mère, plutôt que de rendre à la Justice le léger service qu'on sollicite d'elle: dénoncer.
A ce prix, étant donné le peu de gravité des charges qui pèsent sur elle, elle eût pu sans doute obtenir sa mise en liberté provisoire, peut-être même un non-lieu. La loi, pour qui la sert, a bien des complaisances...
Sérieuse, cette fois, elle a dit non. Elle l'a répété à chaque tentative, aggravant son sort en parfaite connaissance de cause, acceptant toutes les charges que lui valait son méritant silence.
J'ai parlé de Gavroche: on pourrait peut-être parler de Bara. 
Ce qu'elle a fait ? Elle n'a ni tué, ni volé, ni incendié, ni vitriolé. Elle n'est pas une de ces intéressantes mondaines dont la culpabilité ou la non-culpabilité défraient la chronique de la ville, servant d'objet aux polémiques et de thème aux conversations. Ce n'est point non plus une héroïne d'amour: elle n'a, passionnellement, endommagé aucune ni aucun. 
Son cas est moins grave et plus complexe, partant plus dangereux.
Son ami ayant des opinions avancées, on lui reproche, parmi beaucoup de gens, quelques douteuses fréquentations. N'en est-il donc que ? Quiconque évolue dans un cercle assez large et assez peuplé oserait-il répondre de toutes les personnes qu'il rencontre, salue, à qui il donne la main, ou qui traversent lui-même n'est qu'un hôte ce qui est le cas?
Surtout lorsqu'il s'agit du bureau d'un journal, lieu de passage plus qu'aucun autre au monde! Rirette (je rappelle qu'elle a vingt-deux ans), étant employée dans ce journal, on avait eu l'inconséquence de mettre le loyer à son nom.
Or, au cours d'une perquisition, voilà qu'on trouve deux petits revolvers dans les bureaux de ce journal, et qu'il est établi que ces revolvers ont été soustraits. Recel.  
- Je ne suis pas une voleuse, crie Rirette indignée. J'ignorais même que ces armes provinssent d'un vol!
- C'est possible, riposte le juge. Mais vous devez savoir qui les a déposés là. Vous êtes locataire, légalement, donc, responsable... Il y aurait bien un moyen d'atténuer votre responsabilité, de diminuer les charges qui pèsent sur vous. Le voleur n'a pas craint de vous compromettre en se débarrassant du corps du délit dans un domicile à votre nom il n'a pas eu de scrupules envers vous. pourquoi en auriez-vous envers lui ? Nommez-le!
Rirette regarde le magistrat, le greffier, les murs tendus de vert entre lesquels tant de malheureux, tantôt innocents, tantôt coupables, se sont débattus. Elle songe à ses petites fllles, à la liberté, aux camarades demeurés fidèles et qu'il ferait bon circuler dans les rues de Paris... 
Le juge attend, croit qu'elle hésite, tandis qu'elle rêve.  
- Allons ? fait-il d'une voix encourageante.  
- Non, fait Rirette en secouant négativement sa petite figure pâlie par tant de mois de détention. Dénoncer quelqu'un, c'est une saleté! Gardez-moi, envoyez-moi aux Assises, au bagne, vous voudrez! Moi, je ne ferai pas ça!
Elle regagne la voiture cellulaire; elle réintègre la chambre grillagée, là-bas, dans la grande maison noire, en haut du faubourg St.-Denis. Et si, quand les lumières sont éteintes, Rirette n'est plus Rirette, si elle s'abandonne, si elle pleure, si elle appelle ses petites, les bras tendus dans la nuit, personne n'a pu le pressentir, personne ne peut le supposer, personne n'en sait rien. A l'aube, elle est Rirette comme elle l'était la veille au soir, vaillante et gaie. Si un moineau se pose derrière les grilles, il peut lui pépier:  
- Ça va, petite sœur ?
En ce temps le caractère se fait rare, il m'a semblé intéressant de montrer ce brin de femme rebelle à la délation. Tant d'hommes, et non des moindres, se font si volontiers des délateurs!
J'oubliais : Le journal s'appelle l'Anarchie, et Rirette, à l'état-civil, se nomme Mme MAITREJEAN. Mais ces détails n'infirment en rien, n'est-il pas vrai, ni la réalité des faits, ni l'abnégation du refus?"

Nach: Victor Méric, Les milieux anarchistes. Les bandits tragiques, Paris, 1926 (5.Auflage), S.185-189.

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